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Les familles se souviennent des marins disparus du NCSM Athabaskan 80 ans après le naufrage

La cérémonie de commémoration du 80e anniversaire du NCSM Athabaskan à Kerlouan, en France, le 29 avril 2024. SOUMIS

Les familles se souviennent des marins disparus du NCSM Athabaskan 80 ans après le naufrage

Par Sherry Pringle

Sherry Pringle, à gauche, et Jean-Luc Conchis, président de l'association Athabaskan en France.
SOUMIS

Quatre-vingts ans se sont écoulés depuis la perte tragique du destroyer canadien de classe Tribal, le NCSM Athabaskan, coulé au large des côtes bretonnes, en France, et qui a coûté la vie à 128 personnes.

Le 28 avril 1944, le NCSM Athabaskan et son sœur tribal, le NCSM Haida, ont été envoyés en mission pour accompagner les mouilleurs de mines britanniques et préparer les eaux côtières de la Manche en vue de l'invasion de la Normandie. Le Haida et l'Athabaskan étaient la seule force de soutien cette nuit-là. Lorsque les navires se détachent de la bouée Canada dans le port de Plymouth, l'Athabaskan transporte 261 membres d'équipage.

Les poseurs de mines avaient terminé leur mission et rentraient en Angleterre lorsque, le 29 avril à l'aube, l'Athabaskan fut frappé par une torpille du T24, un destroyer de la classe Elbing, qui le coula en 11 minutes. Le Haida se lance à la poursuite des deux Elbing, T24 et T27. Il remonte le T27 sur la côte rocheuse et revient sur les lieux du désastre pour découvrir que l'Athabaskan a disparu de la surface de l'eau. L'océan est jonché de marins à la dérive, des lumières flottant sur leurs casques.

À l'aube, le commandement central a rappelé Haida à la maison par crainte de frappes aériennes de représailles. Après avoir sauvé 44 marins et six autres avec son cotre, le Haida fait demi-tour. Le capitaine de l'Athabaskan, le capitaine de corvette John H. Stubbs, âgé de 31 ans, a salué le Haida, préférant rester dans la mer glacée avec ses hommes.

Les Allemands reviennent à la lumière du jour et sauvent 83 membres d'équipage, qu'ils envoient dans les camps de prisonniers de Milag et Marlag, dans le nord de l'Allemagne. Quatre-vingt-onze marins s'échouèrent sur neuf sites différents le long des côtes bretonnes. 

Pendant des décennies, les familles Athabaskan ont gardé dans leur cœur les êtres chers qu'elles avaient perdus. Aucun corps n'a été ramené au pays, aucun lieu de sépulture sur le sol canadien n'a été pleuré, mais les citoyens reconnaissants de la Bretagne, en France, se sont mobilisés pour honorer et prendre soin de nos marins perdus bien-aimés, enterrés sur leur sol.

Dans les heures qui ont suivi le naufrage, des habitants et des pêcheurs ont ramené les corps à terre et les ont transportés dans des charrettes à poney jusqu'à leur dernière demeure dans neuf cimetières locaux. 

Les souvenirs douloureux de ce jour fatidique de l'aube, prélude au conflit et à la victoire du jour J, n'ont jamais été oubliés par les familles des 128 hommes et des 83 qui ont souffert jusqu'à la fin de la guerre en tant que prisonniers de guerre. Bien que le désastre soit légendaire dans les cercles navals et que la bravoure du jeune le Capc Stubbs figure en tête du palmarès des héros canadiens, la date reste largement inconnue des Canadiens, à l'exception de l'organisation Friends of Haida. En tant que musée flottant permanent à Hamilton, en Ontario, le navire accueille chaque année une cérémonie, le dimanche le plus proche du 29 avril, qui ne sera jamais oubliée.

Les citoyens français de Bretagne, eux, n'ont certainement pas oublié le sacrifice de tant de jeunes hommes. Chaque année, que des Canadiens soient présents ou non, ils célèbrent leur honneur et leur sacrifice au nom de leur liberté, non pas une, mais trois fois par an. 

Les 261 membres de l'équipage et du capitaine de l'Athabaskan ont maintenant « franchi la barre ». Leur héritage se perpétue dans les familles et les cœurs des citoyens français de Bretagne.

Le 29 avril 2024, neuf familles et amis canadiens de l'équipage de l'Athabaskan se sont réunis sur le sol français pour participer aux cérémonies de commémoration du sacrifice de l'Athabaskan. Collectivement, nous représentions quatre familles canadiennes, celle du lieutenant Ralph Lawrence, marié depuis moins de deux semaines, celle d'Irwin Amiro, 21 ans, et celle de Maurice Waitson, 19 ans, ainsi que celle d'Herman Sulkers, 23 ans, fait prisonnier de guerre. Nous n'étions peut-être que quatre familles, mais nous représentions toutes les familles Athabaskan et tout le Canada.

Organisés par Jean-Luc Conchis et Jean-Louis Segers, les neuf Canadiens ont été rejoints par l'archéologue marin Jacques Ouchakoff, qui a découvert les restes d'Athabaskan, l'ambassadeur du Canada en France Stéphane Dion et le colonel Jason Galuga, attaché de défense, l'ambassadeur du Royaume-Uni en France John Sinclair Duncan, ainsi que des amiraux, des préfets, des maires et des citoyens français, y compris des écoliers.

Bien que nous, Canadiens, n'ayons assisté qu'à deux journées complètes de commémoration, couvrant quatre des neuf cimetières où reposent des Athabaskan, les Français avaient prévu de continuer à visiter les cinq cimetières restants. Chaque Athabaskan enterré sur le sol français devait être honoré.

Pierres commémoratives peintes par des élèves de cinquième et sixième année de l'école catholique J.J. O'Neill, à Napanee, en Ontario.
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Nous avons également visité le monument relativement récent érigé sur une falaise surplombant la mer, face à l'ouest du Canada, à Kerlouan. Des maquettes de Haida et d'Athabaskan, ainsi que des T24, T27 et T29, sont alignées sur la falaise, de même que des maquettes de marins et de soldats.

Au milieu d'un tapis rouge, de cornemuses, d'une garde du drapeau et de vents, nous avons rendu hommage à la bravoure et au sacrifice du NCSM Athabaskan, du capitaine et de l'équipage du navire. L'ambassadeur Dion, le président Conchis et d'autres ont prononcé des discours. Nous, les Canadiens, avons remis un drapeau, qui avait flotté sur le NCSM Haida et qui avait accompagné l'Athabaskan lors de sa dernière mission, au président de l'Association Athabaska en France, Jean-Luc Conchis.

Nous, les Canadiens, avons été accueillis par des centaines de citoyens français qui nous ont embrassés et ont versé des larmes, et qui sont venus nous rendre hommage dans les quatre endroits. Certains avaient vécu la guerre. Bien que la catastrophe se soit produite cinq semaines avant l'invasion de la Normandie et la libération de la France, elle est chère au cœur des Français. 

Nos proches Athabaskan ne sont pas tous revenus, mais ils sont en bonne place - une place de respect et de reconnaissance. On s'occupe bien d'eux.

Merci aux Bretons pour tout ce qu'ils ont fait pour honorer le courageux équipage du NCSM Athabaskan. Les familles de l'Athabaskan vous remercient. Merci de la part du Canada.

Sherry Pringle est l'auteur de « All The Ship's Men : HMCS Athabaskan's Untold Stories » et un parent du matelot Maurice Waitson, membre de l'équipage de l'Athabaskan G07, qui a disparu en mer le 29 avril 1944.